Le jeûne intermittent chez les femmes (et la grossesse)

Qu’est-ce que le jeûne intermittent ?

Le jeûne intermittent est le fait de s'abstenir volontairement de manger pendant une certaine période de temps (jeûne) et de manger durant la période restante. La durée de la "fenêtre de jeûne" ou de la "fenêtre d'alimentation" varie, certains choisissant de jeûner pendant plus de 16 heures par jour, tandis que d'autres peuvent aller au-delà.

La version la plus populaire à l'heure actuelle est le jeûne 16:8, ce qui signifie que vous pouvez manger pendant 8 heures et que vous vous abstenez de manger pendant les 16 heures restantes de la journée (l'eau et parfois d'autres liquides non caloriques sont "autorisés" pendant les 16 heures restantes de la journée).

La pratique la plus courante est souvent de sauter le petit-déjeuner. Le jeûne intermittent peut être associé à une restriction calorique. Cela signifie que vous pouvez consommer la même quantité de nourriture sur une période plus courte. Ou bien, vous pouvez, intentionnellement ou non, manger moins que d'habitude.

Quels sont les intérêts du jeûne intermittent ?

De nombreuses données montrent que le jeûne peut améliorer le métabolisme, avoir un impact sur la glycémie et la sensibilité à l'insuline, favoriser la perte de poids, améliorer la fonction cognitive, éliminer les cellules mortes ou endommagées (stimuler ”l'autophagie") et réduire l’inflammation.

Avec tous les bénéfices cités ci-dessus, on pourrait facilement penser que le jeûne intermittent est une panacée universelle ! Sauf que… comme pour toutes données scientifiques nous devons toujours prendre en considération le contexte ! Cette question du contexte nous devrions nous la poser à chaque fois que nous croisons un conseil santé ou un nouveau régime à la mode. Certaines fois, il est facile de discerner que cela ne nous conviendra pas, d’autres fois nous avons besoin de praticiens de santé pour nous aider à comprendre pourquoi cela pourrait ou ne pourrait pas nous convenir. Et malheureusement la panacée universelle n’existe pas !

Revenons au contexte des études sur le jeûne intermittent. Beaucoup des recherches effectuées à ce sujet ont été réalisées sur des animaux. D’autres ont été réalisées sur des humains mais comme bon nombre d’études scientifiques, la majorité d’entre elles ont été réalisées sur… des hommes !

Des études à petite échelle ont comparé les avantages du jeûne chez les hommes et chez les femmes. Les résultats montrent que le jeûne améliore le contrôle de la glycémie chez les hommes mais pas chez les femmes. Chez les femmes, il déclenche une réponse au stress plus importante que chez les hommes.

Le jeûne intermittent chez les femmes

Comme nous avons pu le voir, les effets du jeûne intermittent sur les femmes sont plutôt mitigés. Explorons les préoccupations qui concernent cette tendance et l’impact qu’elle peut avoir sur nos hormones.

Les hormones 

Les hormones qui régulent les fonctions clés de notre organisme comme l’ovulation, le métabolisme, l’humeur sont très sensibles à notre apport énergétique. 

Tout commence dans une zone de notre cerveau appelée hypothalamus, qui contrôle la libération d'une hormone clé appelée gonadotrophine (GnRH). Cette hormone communique essentiellement avec une autre zone de notre cerveau, l'hypophyse, pour libérer l'hormone lutéinisante (LH) et l'hormone folliculo-stimulante (FSH). Ces deux hormones communiquent avec nos ovaires pour qu'ils libèrent des œstrogènes et de la progestérone à certains moments du cycle afin de stimuler l'ovulation ou de favoriser la fertilité.

Des études ont montré que même un jeûne de courte durée ou le fait de régulièrement sauter un repas peut altérer la voie de communication entre notre cerveau et nos ovaires, provoquer un déséquilibre hormonal et mettre notre système hormonal en alerte.

La réponse au stress

Les hormones féminines qui contrôlent notre cycle menstruel sont très réactives aux changements qui se produisent dans notre corps. Le jeûne intermittent met le corps dans un ”état de stress” qui peut être bénéfique dans certains cas mais qui peut aussi déclencher une réponse au stress excessive si nous subissons également un stress dans d’autres domaines de notre vie. Il peut s’agir d’un stress mental dû à un surmenage, une charge mentale trop importante ; d’un stress physique dû à un excès de sport par exemple ; ou même d’un stress émotionnel dû à un traumatisme.  

L’équilibre énergétique est clé pour que notre corps fonctionne correctement. La balance s’effectue entre ce que nous mettons dans notre corps et ce que l’on dépense tout au long de la journée. Lorsque l’équilibre énergétique est négatif pendant une longue période, notre corps se trouve en situation de stress. Cela peut, par exemple, déclencher l’arrêt de l’ovulation, car en situation de stress, le corps donne la priorité à la survie plutôt qu’à l’arrivée d’une grossesse. Chez les femmes, un stress trop important conduit souvent à des cycles irréguliers, des cycles anovulatoires voire une aménorrhée (perte du cycle menstruel).

Ce genre de réaction pose évidemment de gros problèmes lorsque l’on souhaite concevoir. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela concerne toutes les femmes, car l’ovulation et un cycle menstruel sain sont essentiels pour la santé ! Les hormones sécrétées pendant le cycle menstruel influencent tous les aspects de notre vie et jouent un rôle équilibrant et protecteur dans notre santé mentale, digestive, métabolique, immunitaire, cardiovasculaire et osseuse.

Cette réponse au stress et un taux élevé de cortisol (hormone du stress) peuvent également rendre la perte de poids beaucoup plus difficile. Donc, si vous envisagez de pratiquer le jeûne intermittent pour cette raison, reconsidérez les raisons qui vous poussent à le faire et rapprochez vous d’un praticien de santé.

Les troubles du comportement alimentaire 

L'un des plus gros problèmes que nous rencontrons avec tout type de régime, et en particulier avec le jeûne intermittent, est qu'il favorise les troubles du comportement alimentaire.

La plupart des femmes ont déjà été confrontées à des troubles de l’image corporelle, incluant souvent un trouble du comportement alimentaire. Pour toutes les femmes ayant des antécédents de troubles alimentaires, le jeûne intermittent est extrêmement dangereux car il encourage la restriction. L'alimentation restrictive peut également être le précurseur de crises d’hyperphagie ou de boulimie, ce qui peut créer un cycle vicieux et détériorer davantage notre relation à la nourriture. 

Jeûne intermittent et grossesse

Aujourd’hui, nous ne disposons pas de preuves suffisantes pour affirmer que le jeûne intermittent est sans risque pendant la grossesse. Si l’on se base sur le peu d’études disponibles et sur le fait que la plupart des femmes enceintes présentent des carences micronutrionnelles (on estime que 47 % d'entre elles présentent une carence en au moins un micronutriment aux États-Unis), je pense que le jeûne intermittent n’est pas adapté à la grossesse.

Dans l'ensemble, la plupart des arguments en faveur du jeûne intermittent n'ont pas de sens dans le contexte de la grossesse. Il s'agit naturellement d'une période où votre corps accumule  intentionnellement de la graisse corporelle, prend du poids et dirige de préférence les nutriments vers le fœtus pour soutenir sa croissance.

Si, par hasard, il se trouve vous êtes une personne qui se sent naturellement et réellement BIEN en mangeant deux repas plus copieux et que vous êtes capable de satisfaire vos besoins en calories, protéines et micronutriments avec quelque chose qui ressemble au jeûne intermittent sans avoir à le forcer (c'est-à-dire que vous n'avez pas faim pendant cette "fenêtre de jeûne” et que vous ne vous sentez pas frustrée), alors continuez. Mais assurez-vous que tous vos besoins sont réellement couverts.

Voyons de plus près les les raisons pour lesquelles, il n’est pas souhaitable de pratiquer le jeûne intermittent pendant la grossesse :

Les besoins en nutriments

Les besoins en micronutriments et en calories sont élevés pendant la grossesse. Le fait de limiter intentionnellement votre apport alimentaire à une petite fenêtre de temps pendant la journée peut rendre la satisfaction de ces besoins très difficile. Pendant la grossesse, les besoins en protéines sont plus élevés, et il s'agit du macronutriment le plus rassasiant. Il sera donc sûrement très difficile d’avoir un apport en protéines adéquate dans une courte fenêtre alimentaire, surtout en début ou en fin de grossesse.

Les nausées et autres inconforts digestifs

En début de grossesse, les nausées peuvent être tellement fortes que l’idée même d’un repas peut-être révulsante. La solution pour réussir à manger malgré les nausées est bien souvent de manger des petites bouchées aussi souvent que nécessaire dès que vous en êtes capables. Cela peut être 5 fois par jour ou bien 15 fois par jour. Peu importe, écoutez votre corps !

En fin de grossesse, le manque de place dans l'estomac peut rendre difficile l'ingestion de grosses portions sans ressentir de brûlures d'estomac ou d'inconfort digestif. Étaler les prises alimentaires tout au long de la journée et par petites portions peut être une manière adaptée de consommer tout ce dont le corps a besoin sans provoquer d’inconfort. 

Le métabolisme

Durant la grossesse, votre corps veut que vous preniez du poids pour faire grandir votre bébé. Ce n'est pas le moment de penser à ”l'autophagie" ou d'éviter de prendre du poids ou de la masse grasse. Ces changements de composition corporelle induits par les hormones ont une raison d'être. Ne les combattez pas.

Le manque de recherche

Les données sur le jeûne intermittent pendant la grossesse sont très limitées et mitigées. A l’heure actuelle nous ne pouvons pas tirer de conclusions sur l’effet du jeûne intermittent sur la grossesse, mais il existe suffisamment de données préoccupantes pour considérer que cela n’est pas un choix adapté à cette période de la vie. 


Un petit mot sur l’allaitement. Les arguments présentés dans le paragraphe concernant la grossesse s’appliquent à l’allaitement. En réalité, vos besoins nutritionnels sont encore plus élevés durant l’allaitement que la grossesse, ce n’est donc pas le moment de mettre en place un jeûne intermittent !

N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions au sujet de l’alimentation durant la grossesse, je propose des consultations individuelles à distance. Retrouvez mes services de nutrithérapeute sur cette page.

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